"Vieillissant,
je ne me dis pas que les promenades en bord de mer seront de moins en moins
nombreuses mais je me dis que les attaques de la nostalgie vont se faire de
plus en plus fréquentes. Et c’est normal car j’ai plus de passé que d’avenir,
donc dans l’équilibre de mon psychisme, il y a davantage de choses faites que
de choses à faire. La tentation est grande de se laisser rattraper par le
souvenir. Mais je veux encore me fabriquer des moments et non pas en revivre.
Le jour où je vais disparaître, j’aurai été poli avec la vie car je l’aurai
bien aimée et beaucoup respectée.
Je n’ai
jamais considéré comme chose négligeable l’odeur des lilas, le bruit du vent
dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable lorsque la mer est calme, le
clapotis.
Tous ces
moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés. Je suis
poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux
sans cesse renouvelés.
Le passé
c’est bien, mais l’exaltation du présent, c’est une façon de se tenir, un
devoir.
Dans
notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce
que l’on voudrait avoir, on ne s’émerveille plus de ce que l’on a. On se plaint
de ce que l’on voudrait avoir. Drôle de mentalité !
Se
contenter, ce n’est pas péjoratif. Revenir au bonheur de ce que l’on a, c’est
un savoir-vivre."
Olivier
de Kersauson, Promenades en bord de mer et étonnements heureux