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lundi 23 juin 2025

Colette, La Retraite sentimentale

 




« Quand j’étais petite, une grande sagesse précoce m’envoya, au plus beau de mes joies, plusieurs avertissements mélancoliques, d’une amertume savoureuse au-dessus de mon âge. Elle me dit… Vous pensez à une belle dame en blanc avec un diadème, qui m’apparut parmi l’obscur feuillage du vieux noyer ? Pas du tout ! C’était simplement, banalement, la « voix secrète », une immobilisation presque douloureuse de ma pensée, de tout mon petit animal bien portant, excité et repu, une porte entrouverte qui pour les enfants de mon âge demeure d’habitude fermée… Elle me disait : « Vois, arrête-toi, cet instant est beau ! Y a-t-il ailleurs, dans toute ta vie qui se précipite, un soleil aussi blond, un lilas aussi bleu à force d’être mauve, un livre aussi passionnant, un fruit aussi ruisselant de parfums sucrés, un lit aussi frais de draps rudes et blancs ? Reverras-tu plus belle la forme de ces collines ? Combien de temps seras-tu encore cette enfant ivre de sa seule vie, du seul battement de ses heureuses artères ? Tout est si frais en toi que tu ne songes pas que tu as des membres, des dents, des yeux, une bouche douce et périssable. Où ressentiras-tu la première piqûre, la première déchéance ?… Oh ! souhaite d’arrêter le temps, souhaite de demeurer encore un peu pareille à toi-même : ne grandis pas, ne pense pas, ne souffre pas ! Souhaite cela si fort qu’un dieu, quelque part, s’en émeuve et t’exauce !… »


Colette, La Retraite sentimentale (1907)


mardi 27 mai 2025

Dans un quartier de mésanges, dont je fais au printemps mes délices

 

 


Dans un quartier de mésanges, dont

 Je fais au printemps mes délices, 

Le plus intelligent des oiseaux libres, fait,

 A l’homme, le maximum d’avances.

Si je m’arrête, les mésanges descendent au-dessus 

De ma chienne qu’elles toisent et interrogent.

L’époque des nids les voit folles de joie, belliqueuses,

 Ivres de confiance et de témérité…

Leur voracité d’échenilleuses est incomparable. 

Elles grimpent en spirale comme des rats, 

Collées à la branche qu’elles visitent, 

Et ne laissent pas une larve, pas un puceron vivant.

Ce peu de bleu sur l’aile, ce petit béguin

 noir noué sous le menton,

 L’œil vif, les airs de tête, la coquetterie, il n’est pas un détail

 De la mésange, de son nid, de ses œufs, qui ne nous ravisse.


Sidonie Gabrielle Colette

Le Journal de Colette 




vendredi 31 janvier 2025




"Une tombe, ce n'est rien qu'un coffre vide. Celui que j'aime tient tout entier dans mon souvenir, dans un mouchoir encore parfumé que je déplie, dans une intonation que je me rappelle soudain et que j'écoute un long instant, la tête penchée... Il est dans un court billet tendre dont l'écriture pâlira, dans un livre usé que flattèrent ses yeux, et sa forme est assise à jamais, pour moi, — mais pour moi seule — sur ce banc d'où il regardait, pensif, bleuir dans le crépuscule la Montagne aux Cailles..."


Colette

La Retraite sentimentale