Le Saut de la Pucelle (Mont-Dore)
Dans les
montagnes escarpées du Mont-Dore, un rocher abrupt surplombe la vallée, défiant
les vents et les siècles. Ce lieu, que les habitants appellent le Saut de la
Pucelle , porte en lui une légende aussi tragique que mystérieuse, celle d'une
jeune fille dont le destin fut scellé par la cruauté d'un seigneur sans pitié.
L'histoire
remonte à une époque lointaine où les seigneurs régnaient en maîtres sur ces
terres sauvages. Dans un village niché au creux des montagnes vivait une jeune
bergère, Aélis, dont la beauté et la pureté étaient célèbres dans toute la
région. Elle menait une vie simple, guidant ses moutons à travers les
pâturages, écoutant le chant du vent et murmurant des prières aux esprits de la
nature.
Mais un
jour, son destin bascula. Un seigneur brutal, avide de posséder ce qu'il
désirait, posa les yeux sur elle. Aveuglé par sa convoitise, il jura de faire
d'elle sa maîtresse, que ce soit par la douceur ou par la force. Une nuit,
accompagné de ses hommes, il la surprit alors qu'elle ramenait son troupeau au
village. Terrifiée, Aélis s'enfuit en courant à travers la montagne, son cœur
battant comme un tambour.
Le vent
hurlait autour d'elle, portant les cris des poursuivants. Ses pieds nus
dérapaient sur les pierres glissantes, mais elle ne s'arrêtait pas. Enfin, elle
arrive au sommet d'un promontoire rocheux, un précipice béant s'ouvrant devant
elle. Derrière, les hommes du seigneur se rapprochaient, leurs torches
projetant des ombres menaçantes sur les falaises.
Piégée,
Aélis leva les yeux vers le ciel étoilé et murmura une dernière prière :
—
"Que la montagne me prenne, plutôt que de tomber entre leurs mains."
Puis,
dans un ultime acte de désespoir, elle se jette dans le vide.
Mais au
lieu de s'écraser sur les rochers en contrebas, son corps se dissipa dans un
épais nuage de brume argentée. Sous les yeux médusés du seigneur et de ses
hommes, elle disparut, comme si la montagne elle-même l'avait recueillie dans
son étreinte.
Depuis
cette nuit, ceux qui s'aventurent près du précipice par temps de brouillard
racontent voir une silhouette blanche flotter au bord du vide, comme une ombre
figée dans le temps. Parfois, lorsque le vent souffle à travers les falaises,
il murmure un nom, si faiblement qu'il faut tendre l'oreille pour l'entendre :
Aélis…
Les
anciens du Mont-Dore disent que c'est son esprit qui veille encore sur la
vallée, rappelant à tous que certaines âmes, même dans la mort, restent libres
à jamais.