Crever debout, pas à genoux. Vieux con.
S’en aller sans permission.
V'là oui la dernière liberté qu’il te reste,
C’est
celle de choisir quand tu veux te casser.
Pas
demain, pas quand le médecin aura fini son planning,
Pas quand
la famille aura trouvé une demi-journée pour venir dire adieu
Entre
deux notifications de merde.
Non. Maintenant.
Quand t’en as ras la gueule.
Ce n’est
pas de l’égoïsme.
Ce n’est
pas une déprime.
C’est
juste que t’en as fini.
T’as
vécu. T’as goûté.
T’as ri. T’as
baisé. T’as dragué. T’as aimé, T’as foutu le bordel,
T’as
payé. T'as bossé, T'as été un gentil con d’électeur et de citoyen.
Et
maintenant on veut te mettre en pyjama à fleurs
Dans une
salle commune qui pue la compote chaude,
Devant un
écran géant où des cons hurlent pour vendre une tondeuse
À des
types à moitié morts.
La
vieillesse, ce n’est pas noble.
Ce n’est
pas une ascension mystique.
C’est un
naufrage.
C’est ton
corps qui t’envoie des insultes tous les matins,
Ta
mémoire qui se barre comme une salope dans la nuit.
Et ton
silence qui se fait violer
Par les
blouses blanches et les vieux voisins qui bavent.
On me dit
:
"faut
penser à ceux qu’on laisse."
Tu
parles.
Eux, ils
auront la paix.
Eux, Heureusement ils ont leur vies
Putain mais qu'ils en profitent un max
Elle passe tellement vite
Moi, je
reste avec la douleur, les pilules qui collent au palais.
Qu’on me
foute la paix.
j’ai vécu
seul,
Parce que
les gens me faisaient chier.
J’avais
ma montagne,
Ma
baraque pas droite,
Mes copains fidèle le chien et le Chat
Mon bourbon
Mon jazz,
Ma zik
bien grasse à 3h du mat.
Et mes films chelous sur Netflix
Pendant que la pluie frappait le toit.
Que le poêle ronronnait l'hiver
Avec ce froid pure ou la neige
Et là on
veut m’enfermer avec d’autres vioques
Qui
m’appellent "mon mignon" ou "le monsieur".
Me mettre
dans une chambre stérile,
Me dire
quand dormir, quand manger,
Quand
regarder ma tv , quand pisser.
Non. allez-vous
faire foutre.
Je veux
crever comme j’ai vécu.
Libre. Bruyant
ou silencieux. Mais libre.
Je veux
pouvoir dire : "c’est bon les gars. stop."
Et qu’on
me donne la clé pour sortir, pas un sermon.
Y’a plus
personne que je reconnais au village.
Les
anciens sont presque tous morts,
Remplacés
par des familles propres sur elles,
Mais
sales dans leurs têtes.
Des
parigots qui gueulent pour un coq qui chante,
Qui
veulent tout bétonner
Qui passe
leur temps à couper l’herbe
Qui
jettent leurs clopes par terre
Et
sourient comme on tend un piège.
Je ne
veux pas vieillir au milieu de ça.
Je ne
veux pas vivre dans leur bruit,
Ni dans
leur silence artificiel.
Je veux
mon bordel à moi.
Ma fin à
moi.
Mon
putain de dernier mot.
Alors
ouais.
L’euthanasie,
je dis oui.
Je signe
de suite
Pas parce
que j’ai envie de mourir,
Mais
parce que j’en ai assez de survivre comme ça.
Qu’on me
laisse crever debout.
Pas
allongé, pas attaché,
Pas
nourri à la paille comme une bête
Trop vieille pour qu’on la respecte.
Et puis y'a l'hôpital.
L’enfer
blanc.
Les murs
aseptisés qui puent la mort,
Les néons
blafards comme une claque en pleine gueule à 6h du matin,
Et ces
médecins… ces foutus médecins.
Froids
comme la pierre.
Gonflés
de science, de jargon, d’ego.
Ils te
regardent plus comme un être humain,
Mais
comme un dossier, un protocole, une statistique de plus.
“on va
tenter quelque chose.”
Et toi
t’es là, à moitié crevé,
À écouter
ce “quelque chose” qui va juste te faire pourrir 6 mois de plus
Avec un
tuyau dans chaque trou.
Non, je
ne serais pas un miracle de la médecine.
Pas pour
gratter deux saisons contre ce putain de crabe.
Pas pour
faire plaisir à la recherche clinique.
Je ne
suis pas un cobaye.
je suis
pas un dossier.
Je suis
juste un vieux con
Qui a
connu la vraie vie,
Qui l’a
goûtée, mâchée, recrachée parfois.
Un vieux qui
ne veut pas de leur fausse mort,
En
chambre 312, avec vue sur un parking.
Je ne
veux pas crever coucher, branché, enfermé.
Je ne
veux pas finir dans ce théâtre aseptisé
Où tout
est blanc sauf la peur.
Je ne
veux pas de leur dignité en plastique,
Ni de
leur pitié déguisée en charité.
Je veux
juste qu’on me laisse partir,
Vivant
jusqu’au bout,
Pas
prolongé comme une émission de télé
Qu’on aurait dû arrêter à la première pub.
Alors
ouais,
L’idéal
ce serait ça :
Pouvoir
partir quand on le décide,
Loin de
ce monde de bargeots,
Loin du
vacarme, des écrans, des égos,
Loin de
la ville, de ces infos nauséabondes
De la blouse blanche, de la pitié
dégoulinante.
Juste
s’asseoir,
Tranquille,
Face à sa
montagne,
Les
forêts noires de sapins qui ont tout vu, tout gardé.
Le chant
des oiseaux, le bourdonnement des insectes
Un lac
silencieux en contrebas,
Les
derniers rayons du soleil sur la gueule,
Et cette
certitude au fond du ventre :
J’ai
vécu. Maintenant, je me casse.
Un simple
comprimé.
Pas une
seringue, pas un chariot,
Pas un
putain de feu vert administratif.
Non,
juste le choix.
Un geste,
et la paix.
Le
dernier voyage, sans retour, sans chichi.
Merde,
même en 40, les espions avaient ce droit.
Nous,
non.
On
préfère nous faire crever lentement,
Entourés
de machines,
À
supplier pour qu’on éteigne la lumière.
Moi je ne
veux pas qu’on éteigne la lumière.
Je veux
m’endormir dedans.
Libre. Libre
comme Max
Debout.
Comme un
vieux con
Qui n’a
jamais rien demandé
À part
qu’on le laisse tranquille.
Une simple réflexion partagée,
Signé Ours du Forez
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Aout 2025