" Je
suis terriblement choqué par les gens qui vous disent qu’on est libre, que le
bonheur se décide, que c’est un choix moral. Les professeurs d’allégresse pour
qui la tristesse est une faute de goût, la dépression une marque de paresse, la
mélancolie un péché. Je suis d’accord, c’est un péché, c’est même le péché
mortel, mais il y a des gens qui naissent pécheurs, qui naissent damnés, et que
tous leurs efforts, tout leur courage, toute leur bonne volonté n’arracheront
pas à leur condition. Entre les gens qui ont un noyau fissuré et les autres,
c’est comme entre les pauvres et les riches, c’est comme la lutte des classes,
on sait qu’il y a des pauvres qui s’en sortent mais la plupart, non, ne s’en
sortent pas, et dire à un mélancolique que le bonheur est une décision, c’est
comme dire à un affamé qu’il n’a qu’à manger de la brioche".
Emmanuel
Carrère
D'autres
vies que la mienne