lundi 10 février 2025

La Bête de la Godivelle

 




La Bête de la Godivelle 


Dans les montagnes sauvages du Cézallier, près du petit village isolé de La Godivelle, on murmure depuis des siècles l'histoire d'une créature redoutable qui hante les tourbières. Un être mi-homme, mi-loup, dont les yeux rouges transpercent l'obscurité et dont le souffle rauque se mêle au vent glacial des hauts plateaux.

 

Selon la légende, cette bête serait l'âme tourmentée d'un ancien berger du nom de Géraud. Homme solitaire et ombrageux, il menait son troupeau à travers les vastes landes, inévitablement les villageois et préférant la compagnie des loups. Un jour, il croisa un vieil ermite affamé qui lui demanda un morceau de pain et un peu de lait. Mais Géraud, avare et dur de cœur, refusa et se moqua du vieil homme. Ce dernier, qui n'était autre qu'un être aux pouvoirs anciens, posa sur lui une malédiction terrible : "Toi qui refuse l'hospitalité et la compassion, tu connaîtras la faim éternelle et erreras jusqu'à la fin des temps sous une forme qui inspire la même terreur que ton âme."

 

La nuit suivante, alors que la lune était pleine et blanche comme un os poli, Géraud sentit son corps se tourmenter dans une douleur insoutenable. Ses mains devinrent des griffes, sa peau se découvrit d'une fourrure sombre, et un hurlement déchirant s'éleva dans la vallée. Dès lors, il a disparu, mais son ombre reste ancrée dans les tourbières, rôdant sans fin entre les deux lacs de La Godivelle.

 

On raconte que ceux qui s'aventurent trop près des eaux au crépuscule entendent des grognements sourds résonner dans la brume. Certains bergers affirment avoir vu deux yeux incandescents briller dans la nuit, et plus d'un voyageur égaré jure avoir senti une présence invisible, une respiration lourde dans son dos… Mais lorsque l'on se retourne, il n'y a que le silence et la lande battue par le vent.

 

Les anciens du village disent que seule une âme pure, prête à offrir sans rien attendre en retour, pourrait briser la malédiction et libérer la Bête. Mais qui oserait affronter l'ombre de Géraud, dans l'obscurité des marais, sous le regard froid de la lune ?