"A
vivre seul, au moins quelques années, on apprend à passer du besoin qui ligote
au désir et au rêve qui ouvrent grand l'espace en soi et autour de soi. A vivre
seul, on apprend à choisir ses relations au lieu de les supporter, de s'en
accommoder. Sauvage et sociable tout à la fois, l'individu solitaire ne se
croit pas obligé d'aller à des repas de famille, de participer à des fêtes dont
les convives l'ennuient. Et de cela il ne se sent nullement culpabilisé parce
qu'il est en accord avec ce qu'il fait. Se tenir en solitude, c'est chérir une
situation propice à inattendu, à l'incroyable dont les tableaux de Van Eyck et
de Brueghel esquissent l'apparition. C'est se vouloir disponible, absolument;
et non disponible pour quelque chose, en attente de quelqu'un. Se tenir dans la
fraicheur du commencement. C'est donc un état émerveillé."
Jacqueline
Kelen, L'esprit de solitude