" Même
chose qu'avec la mer : solitude, solitude, solitude.
Les
livres m'ont plus apporté que les gens. Le souvenir d'une personne pâlit
toujours devant le souvenir d'un livre, - je ne parle pas des souvenirs
d'enfance, non, que des souvenirs d'adulte !
J'ai
mentalement tout vécu, tout saisi. Mon imagination court toujours devant.
J'ouvre les fleurs encore en bouton, effleure de manière grossière les choses
les plus tendres et je le fais sans le vouloir, je ne peux pas ne pas le faire
! Donc, je ne peux pas être heureuse ? "M'oublier" artificiellement,
je ne veux pas. Ce genre d'expérience me dégoûte. Naturellement - je ne peux
pas, mon regard, en avant ou en arrière, est trop perçant.
Reste la
sensation d'une solitude totale, sans remède. Le corps de l'autre - un mur, il
empêche de voir son âme. Oh, que je déteste ce mur !
Je ne
veux pas du paradis, où tout est béat, aérien, - j'aime tellement les visages,
les gestes, l'existence quotidienne ! Je ne veux pas de la vie non plus, où
tout est si clair, si simple et grossier-grossier ! Mes yeux et mes mains
arrachent involontairement les voiles - si brillants ! - de tout. "
Marina
Tsvétaïeva - Vivre dans le feu : Confessions
Traduction
de Nadine Dubourvieux, publié par les Éditions Robert Laffont